Τετάρτη 3 Ιουνίου 2009

L’administration internationale des régions en crise (la pathologie des déviations)


ANGELOS YOKARIS
Professeur de Droit International, Faculté de Droit, Université d’Athènes


1. Propos introductifs
L’approche compréhensive du sujet concerne la gestion de ré-gions en état de crise, par une « présence » militaire et « civile » à la suite d’une Résolution du Conseil de Sécurité prise dans le cadre des chapitres VI et VII de la Charte.
Cependant, l’intérêt plus particulier du sujet est centré sur les problèmes qui se présentent lorsque l’intervention a lieu sans que les conditions de la Charte soient remplies ou qu’elle dépasse les termes du mandat, surtout si les missions qui sont entreprises comprennent des actions de gestion de la population, de l’économie du territoire, des ressources du secteur public et privé et des différentes formes d’organisation sociale et politique.

2. La pratique de l’ONU
Dans la pratique de l’ONU nous rencontrons d’« opérations d’assistance » pour le support d’une période transitoire d’administration d’un territoire.
Cette forme d’intervention vise surtout à l’établissement d’un environnement stable et sécurisé pour le retour de la population à la vie normale et pour la prestation de services de police, à titre provi-soire, ou à l’administration de situations de personnes déplacées, de réfugiés et, plus généralement, à la coordination des efforts pour prê-ter de l’aide humanitaire.
Ces opérations, qui interviennent dans un vide juridique, visent à rétablir des situations à l’issue d’un conflit interne et elles ont donc des objectifs très variés et élargis, allant jusqu’à la reconstitution des institutions étatiques du territoire en crise, ce qui entraîne l’établissement de structures d’administration provisoire qui peuvent se poursuivre pendant une période transitoire d’une durée prolongée.
On est alors en présence d’opérations de « restructuration de la paix » (peace building operations) qui présupposent la présence du-rable sur un territoire pour son administration.
Dans la plupart des cas, il s’agit d’opérations de police qui vi-sent le contrôle de crises à l’intérieur des États. Ces opérations sont couvertes par le Conseil de Sécurité, parfois, même, ultérieurement et tel a été le cas de la Résolution 1483/2003 qui, à la suite de l’intervention militaire des États-Unis et du Royaume Uni à l’Iraq, a tenté de façon tant soit peu convaincante de légaliser la présence des autorités civiles et militaires de ces deux États sur le territoire de l’Iraq.
Il s’agit de formes particulières d’intervention qui sont en train de revêtir leurs structures juridiques et de légalité dans le cadre du Chapitre VII de la Charte et qui se présentent avec les caractéristi-ques d’«opérations de rétablissement de la paix » (peace building operations) qui consistent, pour l’essentiel, à des activités d’administration de régions en crise et de rétablissement des institu-tions civiles et politiques.
Une description de ce que pourraient être ces opérations donne le « Rapport Brahimi » (UN Doc. A/55/305-5/2000(809) sans toute-fois aller jusqu’à tracer leurs paramètres juridiques.
Le Rapport Brahimi (Rapport du Groupe d’Etude sur les opéra-tions de paix de l’ONU) met particulièrement l’accent sur les nouvel-les formes d’« opérations de paix complexes », qui « se sont vues combiner le maintient de l’ordre et l’administration du pays lorsque les autorités locales n’existaient pas ou n’étaient pas en mesure d’exercer leurs fonctions » (paragr. 19 du Rapport). Ces opérations se situent dans la continuité des buts de la Charte, la mission d’administration territoriale étant considérée conforme avec les buts de la restauration de la paix en palliant aux carences de l’administration étatique.
En effet, la Charte de l’ONU, tout en prohibant l’intervention des Nations Unies aux affaires qui relèvent de la juridiction interne des États (art. 2 § 7), elle autorise cependant des mesures coercitives dans des situations où la paix est menacée, en application du chap. VII de la Charte.
S’agissant de missions de maintient de la paix, la Cour Interna-tionale de Justice a pris bien soin de souligner, dans l’affaire de « certaines dépenses des N.U. (1962), que l’assentiment de l’État, où la mission doit avoir lieu, est nécessaire.

3. Concept et contenu de l’administration internationale
Les nouvelles formes d’opérations de maintien de la paix, même si elles sont entreprises avec le consentement de l’État concerné, de par les buts qu’elles poursuivent, s’étendent à des domaines relevant traditionnellement du droit et des instances internes et posent donc des problèmes de légalité du fait de leur intervention dans les affaires intérieures d’un État souverain.
En effet, il est indéniable que l’administration par les Nations Unies –et les Institutions Internationales qui s’y associent– d’un terri-toire en crise même si elle opère en partage avec les autorités locales met ces dernières sous contrôle international et elle tranche donc sur les différentes expressions et attributs de la souveraineté.
Car, en fait, ce qui caractérise ces situations c’est qu’une ins-tance internationale se substitue aux autorités nationales dans leurs prérogatives et responsabilités fondamentales : l’ONU, dans une mis-sion de paix, se trouve investie de fonctions exécutives, législatives et judiciaires, c’est à dire de fonctions de type gouvernemental.
Ceci s’explique par le fait que, d’une part, un des buts fonda-mentaux des Nations Unies est le maintien de la paix et sécurité in-ternationale (art. 1 § 1 de la Charte) et, d’autre part, il y a une nette tendance vers l’internationalisation des situations d’urgence internes qui constituent ou qui risquent de perturber la paix et la sécurité in-ternationale.
Les Nations Unies sont ainsi amenées à exercer un certain degré d’autorité gouvernementale dans le territoire d’un autre État, qui dé-passe largement les fonctions d’assistance technique pour ressembler plutôt à une action de « service public ».
Quant à la question de souveraineté, l’apparence est sauvée par le fait que l’État souverain du territoire en crise donne, d’une façon ou d’une autre, son consentement au mandat du Conseil de Sécurité, son accord conduisant à une substitution / délégation de pouvoirs souverains.
Dans la pratique internationale de nos jours, le concept de la «responsabilité collective de protéger» tend à remplacer le «devoir d’ingérence», de connotation douteuse par rapport à la notion de souveraineté.

4. Administration «partagée» et hiérarchie
La question de l’administration internationale sur mandat de l’ONU de territoires en état de crise se trouve à l’ordre du jour de plusieures Organisations Internationales œuvrant dans le domaine de l’aide humanitaire ou d’assistance économique, y compris l’Union Européenne.
Il s’agit de nouvelles formes d’entraide internationale dévelop-pées dans le cadre d’une stratégie globale visant des opérations au- delà du schéma classique d’«opérations de maintien de la paix» et comprennent des «missions intégrées» de gestion à titre provisoire d’un territoire et de sa population, de restructuration de ses services publics et de ses institutions, ainsi que le préconisait déjà le Rapport du Secrétaire Général des N.U. (U.N. Doc. A/47/277-S/24111, 17.6.1992).
Le concours de plusieurs acteurs internationaux dans la gestion de régions en crise rend nécessaire l’institutionnalisation des formes et des procédures de participation et l’établissement d’une hiérarchie dans le cadre du partage des tâches administratives que les Nations Unies assument avec d’autres institutions internationales. Il s’agit d’une administration partagée avec les diverses composantes placées sous la direction du Représentant Spécial du Secrétaire Général des N.U., ainsi qu’il est souligné dans le Rapport S/1999/779, paragr. 53.

5. Le concours de l’Union Européenne
La Commission et le Conseil de l’Union Européenne ont déve-loppé des procédures de coordination avec d’autres Organisations In-ternationales et des mécanismes d’intervention qui à la suite d’une Résolution du Conseil de Sécurité prise sur la base des chapitres VI et VII de la Charte permettent, en plus de la prestation de services de protection humanitaire, la gestion d’une région en crise sur le plan administratif, économique et politique, parfois même sans que le consentement des autorités locales soit requis.
C’est seulement après l’entrée en vigueur du Traité de Maas-tricht et la création d’une politique extérieure et de sécurité commune que l’Union Européenne a progressivement développé une capacité d’action en dehors des frontières communautaires. Ainsi dans le ca-dre de la politique européenne de sécurité et de défense, l’Union Eu-ropéenne participe à des missions de gestion de crises du type «Pe-tersberg» (assistance humanitaire, maintien et rétablissement de la paix, administration du territoire et de la population en cas de ca-rence des autorités locales, toujours, ainsi qu’il a été dit, sous le cou-vert et sur la base du mandat des Nations Unies.
Les cas de la présence militaire et civile des Nations Unies au Kosovo et de l’occupation et administration de l’Iraq illustrent bien la pathologie des déviations par rapport aux mandats données par le Conseil de Sécurité.

6. Limites et problèmes de l’administration internationale
L’intervention de l’OTAN au Kosovo et l’administration inter-nationale, sur mandat de l’ONU, du territoire donne matière à ré-flexion sur les problèmes de légalité soulevés par des situations où l’environnement juridique est obscur ou présente de lacunes.
Malgré la présence des forces de l’OTAN au Kosovo, la situa-tion s’était aggravée et il a paru à tous évident que pour remédier à la situation catastrophique de la population civile il fallait «quelque chose de plus» que la simple présence d’éléments armés assurant la distribution de l’aide humanitaire.
C’est ainsi que la Résolution 1239 du 14 mai 1999 du Conseil de Sécurité a prévu le développement sur place d’une «présence de sécurité» (security presence) et d’une «présence civile» (civil pre-sence) qui devrait établir une «administration provisoire» (interim administration).
Dans la Résolution 1239 le Conseil de Sécurité a présenté (point 5) les principes sur lesquels devrait reposer une solution durable au problème de Kosovo. L’établissement d’un régime d’autonomie in-terne devrait respecter l’intégrité territoriale de la Yougoslavie et sur le plan institutionnel être en conformité avec les «standards» géné-ralement acceptés du droit international.
Ces principes ont constitué la base de l’ossature de la Résolution 1244 du 10 juin 1999 du Conseil de Sécurité sur le régime juridique de gestion de la Région autonome de Kosovo.
Le mandat de gérer la Région de Kosovo et sa population était structuré sur le régime juridique des territoires sous «mandat» ou «tutelle» internationale, conformément à l’article 22 du Statut de la Société des Nations et aux Chapitres XII et XIII (articles 75-91) de la Charte de l’ONU. Dans les deux cas, les compétences attribuées par le mandat permettaient le contrôle du territoire, la gestion de la popu-lation et la réorganisation des services publics.
Cependant, il faut sur ce point signaler que dans le cas de terri-toires sous mandat ou tutelle nous étions en présence de situations territoriales qui ne posaient pas de problèmes de souveraineté, tandis que dans le cas du mandat donné par la Résolution 1244 l’intervention du Conseil de Sécurité s’effectue sur un territoire fai-sant parti d’un État avec tous les attributs de souveraineté et dont il faudrait respecter les éléments pendant le déroulement de toutes les opérations de l’administration provisoire du territoire.

7. Les «déviations» par rapport au mandat
La Résolution 1244 a maintenu certains équilibres en respectant –tout au moins sur le plan formel– la souveraineté Yougoslave bien que le mandat donné à l’UNMIC allait bien au-delà du concept d’une gestion provisoire au niveau administratif.
Cependant, ce tableau d’ensemble prend une autre coloration si on se penche de plus près aux éléments particuliers qui font parti du mandat tels qu’ils figurent aux Rapports du Secrétaire Général et se matérialisent sensiblement altérés par rapport aux termes du mandat à travers les initiatives du Représentant Spécial de la publication de Règlements à contenu non seulement administratif mais, également, législatif.
À remarquer que le Représentant Spécial n’avait aucune autori-sation donnée par le mandat à cet effet. Néanmoins, le Secrétaire Gé-néral de l’ONU avait donné des instructions permettant à son Repré-sentant Spécial de légiférer (Rapport du Secrétaire Général du 12.7.1999, S/1999/779, paragr. 39).
En plus, d’après les Rapports du Secrétaire Général de l’ONU nous constatons que son «représentant spécial» sur le terrain, qui exerce les pouvoirs conférés à l’«administration provisoire» (UN-MIC) par le mandat, avait juridiction pour révoquer ou suspendre, à sa discrétion, les lois en vigueur ou de promulguer d’actes législatifs sous forme de Règlements. Il était, donc, doté de pouvoirs et de compétences sans aucune autorisation à cette fin par le mandat.
À noter que parmi les Règlements publiés il y en eu qui se réfè-rent à des matières législatives, économiques, monétaires, douanières et qui, de par les modifications qu’ils ont opéré dans la législation en vigueur, ils ont réduit, pour ne pas dire aboli, l’autonomie adminis-trative et législative de la Région au sein de la souveraineté yougo-slave.

8. Les protestations du Gouvernement Yougoslave
Après la publication de la Résolution 1244 et son application progressive par des mesures administratives et législatives, le Chargé d’Affaires de la Mission Permanente de la Yougoslavie aux Nations Unies a adressé, à des intervalles réguliers, des notes de protestation écrites au Président du Conseil de Sécurité par lesquelles il considé-rait entâchées d’irrégularité et de nullité toutes les décisions de l’UNMIK sur le terrain que étaient prises en flagrante contravention par rapport aux termes de la Résolution 1244 (Note du 15.6.2000).
En ce qui concerne son intégrité territoriale, la Yougoslavie a avancé que les actions de l’UNMIK, de par la publication de Règle-ments dans des matières législatives, économiques, bancaires, moné-taires et douanières, conduisent directement ou indirectement bien au-delà de la constitution d’un régime d’autonomie tel qu’il était pré-conisé par la Résolution 1244 (Lettre du 26.9.2000 du Chargé d’Affaires au Président du Conseil de Sécurité).
Et en effet, on ne peut que constater que l’ensemble des mesures prises par l’UNMIK émerge l’image d’un territoire soustrait, au point de vue administratif, législatif et politique, à la souveraineté yougo-slave.
On peut alors se demander si la « présence civile » des Nations Unies au Kosovo constitue une assistance humanitaire sous contrôle international, un mandat de gestion ou une opération de substitution d’éléments de souveraineté.
Il faut, néanmoins, prendre en considération que le système d’administration qui a été mis en place visait à faire fâce à une crise humanitaire d’énormes dimensions. Cependant, l’imposition, par Dé-cision du Conseil de Sécurité, sur la base du Chapitre VII, d’un ré-gime de coercition administrative ne devrait pas aller jusqu’à toucher les éléments les plus essentiels de la souveraineté étatique.

9. Occupation et administration du territoire
Conformément au droit international public «classique» l’occupation peut avoir une assise, tant soit peu légale, 1) à la suite de l’exercice du droit de légitime défense, 2) dans le cas d’un mandat du Conseil de Sécurité.
Cependant, dans ces deux cas les «Puissances Occupantes» agissent, en tant qu’administrateurs de « nécessité ou de fait » du ter-ritoire en crise interne ou en détresse humanitaire, dans les limites du Règlement annexé à la IVe Convention de la Haye de 1907 et de la IVe Convention de Genève de 1949.
Ceci se traduit en l’obligation, parmi d’autres, de respecter le «statu quo» du territoire administré par, par exemple, une coalition d’États intervenant sur la base d’un titre juridique reconnu par le droit international, et de respecter les lois en vigueur (article 43 du Règlement), la modification du droit local étant l’exception et seule-ment en cas de nécessité absolue (article 64 du Règlement).
La Résolution 1483/2003 du Conseil de Sécurité a semé un petit désordre et remis en doute tout ce que la doctrine considérait comme définitivement acquis.
En effet, elle a procédé à la reconnaissance internationale de l’occupation de l’Iraq par les forces armées des États Unis et du Royaume Uni en transformant l’«occupation de belligérance» en un «régime spécial» d’occupation visant à la restructuration politique et économique du pays.
Le mandat donné par le Conseil de Sécurité dépasse largement les pouvoirs que le droit international (1907 et 1949) reconnaît, ou tolère, pour l’administration d’un territoire se trouvant en état de crise interne ou de crise humanitaire : il permet non seulement l’administration de l’Iraq mais, en plus, en passant outre les lois loca-les, la création de nouvelles institutions à tous les échelons de l’appareil de l’État.

10. À la recherche d’un équilibre
Le point d’équilibre entre le postulat d’intervention humanitaire et le principe du respect du domaine réservé de l’État dans des matiè-res où il semblait jusqu’à des temps récents que l’État détenait com-pétence exclusive constitue un problème la solution duquel recherche la théorie et la pratique.
Il a été soutenu que le principe de non-intervention, même à des fins humanitaires, n’empêche pas l’imposition, sous contrôle interna-tional d’un régime de contrainte sur le plan administratif et législatif qui ne toucherait pas les droits souverains de l’État concerné.
Cette position de la doctrine semble se retrouver dans plusieures Résolutions du Conseil de Sécurité qui ont considéré les principes en voie de formation de l’intervention humanitaire comme des droits en puissance pour la prestation d’assistance et de protection. Il reste, ce-pendant, à déterminer les limites en sorte que les actions légitimes décidées par le Conseil de Sécurité n’enfreignent pas dans son es-sence le domaine de compétence exclusive de l’État.
Par ailleurs, des points de vues se sont exprimés en faveur d’une souveraineté réduite ou partagée de l’État lorsqu’il démontre une in-différence manifeste à l’égard de sa population ou d’une partie de la population soumise à un traitement discrétionnaire ou qu’il exerce le pouvoir sans le consentement populaire, au moins en ce qui concerne une partie de la population sur une partie du territoire national.
Ces situations, dont certains éléments se constatent au Kosovo et à l’Iraq, permettraient une intervention extérieure par l’entremise du Conseil de Sécurité. Pour décrire en termes juridiques ces situations, il a été question dans la doctrine d’« absence fonctionnelle de souve-raineté» ou de «substitution fonctionnelle à des éléments de souve-raineté».
Dans le droit international «classique», sous son expression coutumière et sa codification conventionnelle, des équilibres avaient été établis entre le respect de la souveraineté et intégrité territoriales des États et les droits d’intervenir du Conseil de Sécurité dans les si-tuations où la paix et la sécurité internationales sont menacées.
Les impératifs pour faire fâce à des crises où, en plus de l’assistance humanitaire, des actions plus énergiques s’imposent pour couvrir les carences –souvent volontaires– du fonctionnement des institutions et des structures de l’administration nationale ont suscité une mobilité qui, dans le cadre des solutions qu’offre le droit interna-tional classique, s’est heurtée à des impasses fonctionnelles.
La dynamique d’une fuite violante vers l’avant a entraîné des règles et des institutions du droit international qu’on croyait qu’ils avaient accompli un cycle d’évolution et qu’à présent nous consta-tons qu’ils se trouvent à la recherche de nouveaux équilibres.

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